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"La Chine en Folie"

Albert LONDRES (1922)

La Chine en Folie
Albert Londres — 1922

Illustration de couverture réalisée par Les Éditions de Londres.
© 2013 - Les Éditions de Londres.


Londres, Albert.
La Chine en folie (French Édition).
Les Éditions de Londres.
Édition du Kindle.

Table des matières

Préface des Éditions de Londres
Biographie de l’Auteur
LA CHINE EN FOLIE
Histoire qui peut servir de prologue
1. Tel est le pays
2. Coolie ! Je veux dormir
3. Un reportage est un reportage
4. Fantastique histoire de Tsang-Tso-Lin
5. Du consulat à l'évêché
6. Chez Tsang-Tso-Lin
7. Galka ou la nouvelle esclave
8. Le marchand de peaux
9. Une journée assez curieuse à Pékin
10. Où il faut huit démarches pour voir clair
11. Monsieur Pou
12. Le festin ou l'éloge de l'anarchie
13. Trois marsouins
14. Deux illustres chinois en pantoufles
15. Pourquoi Monsieur Pou refuse péremptoirement de m'accompagner à Shanghai
16. Shanghai
17. Une fête qui finit bien
18. Petit sauve-qui-peut
19. Une conversation inattendue
20. Grand sauve-qui-peut
21. Deux correspondants de guerre

Préface des Éditions de Londres

« La Chine en folie » est un reportage d’Albert Londres publié en 1922. C’est son second reportage sur l’Asie après « Visions orientales », il complète son tour d’Asie et précédé « Au bagne » d’un an. Albert Londres y décrit un pays surréaliste, gigantesque, imprévisible.

Situation de l’Occident et de la Chine en 1922.

Si "Le Livre des Merveilles" de Marco Polo précède « La Chine en folie » de quelques six cents vingt-quatre ans, le reportage de Londres ne suit « Les Tribulations d’un Chinois en Chine » de Verne que de quarante-trois ans. Si on considère que la civilisation italienne (dont Venise ne fait que partiellement partie) a environ dix siècles d’avance sur la civilisation gallique (bien que dans le cas de Londres, d’origine gasconne, c’est sûrement moins), on doit probablement accepter que, un peu plus de six cents ans, c’est raisonnable… Enfin, « La Chine en folie » précède « Le Lotus bleu » de seulement douze ans.

La réalité, c’est que la relation des Occidentaux à la Chine varie énormément selon les Nations. L’histoire de l’Europe depuis la Renaissance, et certains diraient, depuis les Temps Modernes, est une suite d’affrontements guerriers réguliers pour une hégémonie territoriale, sous des prétextes d’abord tribaux, monarchiques, puis religieux, avant que ces rivalités ne se transcendent finalement en une course poursuite vers des enjeux commerciaux, poussés par la technologie (militaire, maritime…), par l’évolution de la comptabilité et l’ingénierie financière (comptabilité en partie double, lettres de crédit, assurances…) et nous donnent les Grandes découvertes, les rivalités coloniales, puis la colonisation en tant que telle, c’est-à-dire l’exploitation organisée de marchés captifs avec des termes de l’échange déséquilibrés pour les colonies, pourvoyeurs de matières premières et récipients de produits manufacturés.

Si Venise est la porte historique de l’Europe vers la Chine, c’est vraiment la Grande-Bretagne qui « force » l’histoire chinoise au dix-Neuvième siècle, et plus particulièrement les Écossais, puisque ce sont eux qui furent les administrateurs et les commerçants de l’Empire en Asie. L’histoire moderne de la Chine commence donc vers 1839-1842 avec la guerre de l’Opium dont le résultat catastrophique pour la Chine ouvre l’ère des Traités Inégaux. Et avouons-le, la France connaît très mal la Chine, et la Chine connaît bien mal la France. Dans les années dix (1910), quand l’Angleterre se passionne pour le Péril jaune, à la lecture de « Fu Manchu » de Sax Rohmer, la France, de l’Asie, ne connaît que ses colonies d’Indochine. Alors, un effort …

Brève histoire de la Chine depuis cinq mille ans :
les clés de lecture

Les Européens ne comprennent rien à l’histoire de la Chine. Comme notre objectif n’est pas d’écrire une préface à « La Chine en folie » plus longue que « La Chine en Folie » lui-même, ce que nous essaierons humblement de partager ne sera que parcellaire et fragmentaire. Ainsi, nous vous offrirons avant tout ces quelques clés de lecture, nécessaires pour comprendre la Chine moderne, et de la sorte éclairer d’un regard plus lucide le reportage de Londres.

Clé numéro un :
dans un monde Européen dominé par une sorte d’universalisme (la France, « civilisation universelle », s’entend encore dans les discours de ceux qui se prétendent chantres de l’anticolonialisme), l’anticolonialisme), et transformé depuis trente années en universalisme de la rétribution (l’Ouest a une dette envers les autres, et tout moyen de payer cette dette, de préférence avec de bons sentiments et de bonnes paroles plutôt qu’en monnaies sonnantes et trébuchantes, est bien vu), la Chine, puissance émergente, est difficile à appréhender pour l’Européen moyen, puisque la Chine s’inscrit radicalement en faux, c’est-à-dire qu’elle récuse cette vision soi-disant universelle.
Pour les Chinois, la Chine est le berceau culturel de l’Asie et donc de l’humanité, et est ainsi vouée à être la puissance dominante. En gros, quand de nombreux pays européens se satisfont d’un rôle militaire et économique diminué, prétendent au multiculturalisme, à la promotion des droits de l’homme de façon universelle, les dirigeants chinois veulent une Chine forte sur les plans économique, militaire et technologique, désirent le rayonnement culturel chinois, et considèrent que les droits de l’homme et autres leçons de morale malvenues (selon eux) sont une ingérence dans les affaires nationales.

Clé numéro deux :
la croissance économique, politique, culturelle de la Chine, ce fameux rattrapage économique le plus spectaculaire de l’histoire de l’humanité est normal. C’est le déclin de la Chine de 1840 à 1949 qui est une anomalie, mais surtout une infamie. Et le coupable est … l’Ouest. Bien que les massacres iniques commis par les Japonais contre les Chinois aient marqué les esprits, le Japon est une nation inférieure, qui tire sa civilisation de la Chine, et qui finalement lui doit tout. Ses écarts de conduite ne sont pas pardonnables, mais ne sont pas le reflet d’un changement durable dans les rapports de domination réels entre ces deux pays. En revanche, la période qui comprend la seconde moitié du Dix Neuvième siècle, période caractérisée par la mise en coupe réglée de la Chine par un concert de nations barbares (Anglais, Allemands, Français, Russes, Américains, Danois…) est inacceptable et est une tâche dans l’histoire chinoise.

Clé numéro trois :
comme l’Occident a une dette historique envers la Chine, tout coup bas (espionnage industriel, vol de technologie, pillage des bases de données gouvernementales ou des grandes sociétés…) est parfaitement acceptable moralement puisque c’est une bien modeste réparation de la dette contractée par l’Occident vis-à-vis de la Chine.

Clé numéro quatre :
toute posture critique de l’Occident vis-à-vis de la Chine : protestations pro dissidents chinois, remise en cause du traité de la nation la plus favorisée, vote du CIO en 1993 donnant les Jeux à Sidney et non à Pékin, diplomatie du Dalaï-Lama, protestations occidentales contre la peine de mort pratiquée en Chine, contre les prisonniers politiques … sont autant de manifestations de la tricherie occidentale, de sa duplicité, et sont de vaines tentatives pour freiner l’ascension naturelle de la Chine au rang de première des Nations.

Clé numéro cinq :
tous les Occidentaux ne sont pas égaux. Les Américains ont une civilisation moralement inférieure, mais supérieure technologiquement et militairement. Les Britanniques sont en déclin, mais il faut toutefois (comme des Japonais) s’en méfier. Les Allemands sont une puissance industrielle. Les autres ne comptent pour rien, sont des destinations de vacances ou de shopping, ou sont proches de la tiers-mondisation avancée.

Clé numéro six :
l’Occident a une conception du temps fondamentalement erronée. Non seulement les Occidentaux sont incapables de comprendre les leçons de l’histoire, mais leur précipitation chronique est une source d’instabilité dangereuse pour les affaires du monde. Les Chinois, comme la plupart des Asiatiques, considèrent que le temps ne se mesure pas à l’échelle d’un individu, mais celle d’une société. Ainsi, dix ans ne sont rien, cent ans est court.

Bon, désolé d’avoir commencé par la fin. Mais disons que les évènements décrits par Londres à la façon d’un correspondant de guerre, aident à comprendre la réalité évoquée ci-dessus.

Le contexte historique de la Chine en 1922

Quand Londres débarque, la Chine est au beau milieu d’une transition dynastique. Une de ces transitions qui arrivent tous les trois ou quatre siècles. Et la période en question, dite la période des Seigneurs de la guerre, n’est pas celle que connaissent le mieux Les Éditions de Londres : nous avons donc fait un peu de recherche.

La dynastie Ching (Manchoue), établie en 1644, suite à la dynastie Ming, coupe les ponts avec le monde non asiatique, et entame une période de déclin dés la fin du dix-Huitième siècle, alors que l’Occident est en pleine croissance. La guerre de l’Opium conduit aux Traités inégaux, et l’obtention de concessions territoriales et portuaires, équivalentes dans l’esprit des Chinois à un dépècement du pays en parcelles d’intérêt commercial sans contrôle politique formel.

La révolte des Taiping, entre 1851 et 1873, mouvement révolutionnaire à caractère mystique religieux, d’idéologie pré-communiste, fondé sur un sursaut nationaliste xénophobe, et réveil de la nation Han face à une dynastie croulante Manchoue responsable des maux chinois, est un des conflits civils les plus violents de l’histoire (vingt à trente millions de morts). Inspirée en partie par l’ère Meiji au Japon, la modernisation des structures chinoises se poursuit fin du dix-Neuvième siècle, conduisant à la révolte des Boxers, appuyée en douce par la dynastie Ching. La révolte des Boxers est initiée par l’une des sociétés secrètes, Poings de la justice et de la concorde, et est dirigée contre les envahisseurs étrangers en 1900, mais aussi contre les Manchous, contre les Chrétiens, et contre la modernisation chinoise. L’effondrement de la dynastie Ching va encore durer quarante-neuf ans, jusqu’à la prise de pouvoir par Mao Tse Toung, lequel sera d’ailleurs fort inspiré par l’histoire, l’idéologie et la tactique militaire Taiping.

La République de Chine et les Seigneurs de la guerre

L’Empereur Pu Yi abdique en 1908, la dynastie Ching s’effondre officiellement en 1911 avec la Révolution chinoise. Sun Yat Sen devient président de la République Chinoise. Puis est succédé par Yuan Shikai, lequel, fort de son contrôle des armées, se débarrasse du Parlement et tente de se faire élire Empereur. À la suite de sa mort en 1915 commence la période des Seigneurs de la Guerre, qui dure entre 1916 et 1928. C’est cette période, probablement la plus proche du chaos, ou luan, que découvre Albert Londres en 1922.

Les parties en présence sont : Sun Yat Sen, Tchaen-Kiong-Nin, Tsang-Tso-Lin, et Wou-Pé-Fou.

Sun Yat Sen, on connaît : opposant réfugié à Pénang, dans une jolie maison que Les Éditions de Londres visitèrent avec un certain recueillement, fondateur du Kuo Min Tang, premier président de la République Chinoise, père spirituel de la renaissance Chinoise, même encore pour l’historiographie communiste… Londres en fait une description cocasse : « Il était président de la République du Sud comme moi je suis en ce moment propriétaire de l’hôtel de Pékin, parce que j’occupe la chambre 518 »

Tchaen Kiong Nin, il aligne cent mille hommes au Sud, tandis que le président de la République du Sud n’en a que cent mille. Il se retourne contre Sun Yat Sen en 1922.

Tsang Tso Lin est au Nord. Il a commencé sa carrière dans l’armée puis comme chef d’une bande de malfaiteurs. C’est le chef de la clique du Fengtian, qui sévit au Liaoning, dans l’ancienne Manchourie. Londres le rencontre : la description qu’il en fait dans le chapitre six est à mourir de rire, et nous évoque cette glorieuse époque où Les Éditions de Londres rencontraient les officiels chinois dans la Cité Interdite ou dans des hôtels russes de Harbin, en Manchourie … : « Le serviteur fidèle, à deux crimes au moins, saisit cérémonieusement mon carton de ses deux mains. Il le coince aux deux coins, entre pouce et index et, les coudes collés à ses flancs, grave, il me précède comme s’il portait non un bristol de dernière qualité, mais, par les oreilles, la tête de saint Jean-Baptiste. » Et puis le dialogue, surréaliste, s’installe, et honnêtement, pour nous, pas de différence entre ce que lui dit Tsang-Tso-Lin en 1922 et ce que dirait un officiel communiste aujourd’hui : « La Chine est la Chine, le reste du monde est le reste du monde. » ou « Les phases de la Chine sont chinoises. Nous les endurons parce que nous savons. Le reste du monde, lui, croit savoir. »

Wou Pé Fou est au centre. C’est le chef de la clique du Zhili, c’est-à-dire la province du Hebei, historiquement vue comme le centre de la Chine. Wou Pé Fou est un stratège reconnu, un lettré originaire de Shandong. Londres ne le rencontre pas au cours de ses pérégrinations, lesquelles, rappelons-le, se font sur un territoire somme tout limité.

La Romance des Trois Royaumes

Ce qu’aurait pu faire Londres, c’est faire référence à San Guo Yanyi, la « Romance des Trois Royaumes ». Écrit au Quatorzième siècle par Luo Guangzhong, d’après l’œuvre du Troisième siècle de Chen Shou, c’est une épopée historique qui raconte la période des Trois Royaumes, à la fin de la dynastie Han, entre 220 et 265. Les trois Royaumes sont le Wei, le Shu et le Wu.

Le San Guo Yanyi est l’œuvre la plus influente de la culture Chinoise, et l’une des œuvres les plus importantes au monde. Un des textes fondateurs d’une civilisation, comme l’Iliade et l’Odyssée, ou le Mahabharata. L’œuvre est connue dans le monde chinois et asiatique au moins autant pour sa valeur politique et militaire que pour ses qualités littéraires, pourtant phénoménales. Ainsi, les stratèges japonais de l’ère Meiji s’inspirèrent-ils beaucoup du San Guo YanYi, de même que Mao Ze Dong pendant sa guerre contre les Japonais et le Kuo Min Tang.

L’idée principale pourrait se résumer ainsi. L’absence d’un pouvoir central conduit à une période d’instabilité où différentes parties vont successivement s’allier et se désunir, mais toujours dans une logique de deux contre un, avant qu’il n’en reste qu’un pour asseoir sa domination maintenant incontestée, ouvrant ainsi une nouvelle période de calme et de prospérité. Les luttes entre trois factions avec leurs jeux d’alliance très « dynamiques » sont courantes dans l’imaginaire chinois. Et inspirent sûrement les belligérants de la période des Seigneurs de la guerre. Cliques du Anhui, du Zhili, du Fengtian ? Luttes entre Japonais, Kuomitang et Communistes ?

Albert Londres, Tintin, Corto Maltese…Un roman d’aventures ?

« La Chine en folie » est de tous les reportages d’Albert Londres celui qui se rapproche le plus du roman d’aventures. Alors de là à dire que son récit rappelle "Le Lotus bleu" ou "Corto Maltese en Sibérie", il n’y a qu’un pas. On pourrait dire que les chapitres qui mettent le reporter et Monsieur Pou en présence évoquent Tintin, de même que les entrevues avec Tsang Tso Lin, le chapitre seize sur Shanghai … L’épisode de la femme russe de Harbin que protège Londres évoque évidemment Corto Maltese, de même que l’ataman Semenoff, brièvement mentionné, que l’on retrouverait dans son train blindé, puis en train de combattre les Bolcheviks, avec le baron Roman Fedorovitch Von Ungern Sternberg… Le chapitre douze du banquet évoque le chapitre un des Tribulations d’un Chinois en Chine. Et le formidable chapitre vingt, celui de la fuite de Pékin, avec son côté incroyablement réel, dramatique, désespéré, nous rappelle « L’année de tous les dangers ».

« La Chine en folie » reste différent de la plupart des textes de Londres. Reportage récit à l’allure de roman d’aventure, c’est l’un des premiers exemples d’une réalité qui dépasse de loin la fiction. À lire à tout prix !

© 2012- Les Éditions de Londres
Londres, Albert. La Chine en folie (French Édition) .
Les Éditions de Londres. Édition du Kindle.

Biographie de l’Auteur

Le plus célèbre journaliste français (1884-1932) est décédé dans des conditions mystérieuses au cours de l’incendie d’un bateau, le « Georges Philippar », en plein Océan Indien.

Peut-être la vision du journalisme qu’il expose dans cette citation prise et reprise par toutes les biographies (Les Éditions de Londres s’excusent de leur manque d’originalité) apporte-t-elle un peu de lumière aux circonstances tragiques qui accompagnent la mort du journaliste et écrivain? « Je demeure convaincu qu’un journaliste n’est pas un enfant de chœur et que son rôle ne consiste pas à précéder les processions, la main plongée dans une corbeille de pétales de roses. Notre métier n’est pas de faire plaisir, non plus de faire du tort. Il est de porter la plume dans la plaie. » Aux Éditions de Londres, cette phrase nous semble si juste, nous inspire tellement qu’elle se retrouvera sûrement en page d’accueil un jour prochain. Inutile de le dire, le choix d’Albert Londres comme troisième auteur publié (dans notre chronologie) n’est pas innocent.

Hormis le clin d’œil aux fans de pirouettes sémantiques, voilà bien quelqu’un qui avait le courage de ses idées.

De plus, Les Éditions de Londres considèrent (peut-être sans originalité) que l’évolution du journalisme depuis trois décennies est assurément un des instruments de la manipulation des masses, ou comme le dit Noam Chomsky, « Manufacturing consent ».

Rien de plus éloigné des idéaux d’Albert Londres. Quel homme admirable ! Quel écrivain ! Quand vous lirez ses ouvrages au fur et à mesure que les Éditions du même nom les publient, vous vous en rendrez compte : un humour mordant, une humanité qui déborde le cadre des pages dans laquelle l’esprit s’égare et se mobilise, un sens du rythme et de l’histoire.

D’ailleurs, le déclin des valeurs du journaliste s’est aussi accompagné de la disparition d’un qualificatif beaucoup plus proche de la mission que s’était donnée Albert Londres, le grand reporter. Il y aurait une théorie de l’information à écrire, sur les traces d’Albert Londres. Le grand reporter serait ainsi celui d’une époque où l’homme se tourne vers les autres, où son énergie vitale est centrifuge. L’homme moderne est constamment dans une logique de l’analyse de l’extérieur par rapport à soi. Les réseaux sociaux en sont le meilleur exemple : on ne communique jamais avec l’autre que pour un bénéfice personnel. On est entrés dans une logique centripète.

Il y a un peu de Tintin chez Albert Londres, un mélange entre l’idéalisme de Don Quichotte et la détermination du Scottish Terrier.

Alors, si Albert Londres avait vécu de nos jours, qu’aurait-il fait ? Il n’aurait jamais accepté d’être un de ces journalistes connus. (Les Éditions de Londres considèrent que la seule façon d’être un journaliste connu et de garder le respect de soi-même c’est de suivre l’exemple de Mika Brezinski déchirant le sujet sur Paris Hilton ; d’accord c’est la fille de Zbigniew, et ça aide pour la confiance en soi…). S’il avait vécu de nos jours, il aurait été reporter, il aurait eu un blog, il aurait posté des articles sur Wikipédia.

Dans "Visions orientales", il nous révèle certains aspects du colonialisme en Orient, dans "La Chine en folie", il décrit le chaos de la Chine des années vingt, dans "Terre d'ébène" il dénonce les horreurs de la colonisation en Afrique, dans Le Juif errant est arrivé il décrit la situation des Juifs en Europe centrale et orientale avant la guerre, dans Dante n'avait rien vu il dénonce les conditions de Biribi en marchant sur les pas de Georges Darien, dans "L'homme qui s'évada" ou "Adieu Cayenne" !, il demande la révision du procès de Dieudonné, de la Bande à Bonnot... Mais son coup de maître reste le reportage-livre avec lequel Les Éditions de Londres commencent la publication des oeuvres de Londres, "Au bagne".

© 2011— Les Éditions de Londres