Chapitre III

 

        Peu de temps après notre mariage, je me rends compte que les relations entre ma belle-mère et son amie Lucie sont malsaines. La vue de ces deux vieilles femmes dans le même lit (le mien) m’inspire un profond dégoût. J’apprends qu’elles se connaissent depuis longtemps et que Lucie, veuve très fortunée, a rapporté de France des bijoux d’une grande valeur. Ma belle-mère, qui a hérité de son mari décédé en 1940, n’est pas sans ressources, mais c’est Lucie et Bogart qui entretiennent ce couple bizarre. Lucie, grande et maigre, est sous la domination de son amie, petite et boulotte. Toujours en noir (même leurs chemises de nuit sont noires), elles se disent «chérie» à tout bout de champ.

 

        J’ai aussi droit au «hello, darling» quand nous venons les voir à l’hôtel Talati le dimanche mais je ne suis pas dupe. Je sais que dès que j’aurai le dos tourné elles diront du mal de moi. Elles font croire à mon mari que je le trompe ou bien que je le vole pour apporter de l’argent à mon père. Le plus terrible, c’est que je sens qu’il a des doutes. Il ne peut pas imaginer que sa mère puisse mentir.

 

Le cordon ombilical ne sera jamais coupé mais moi je ne le sais pas. Je n’ai que vingt-deux ans et je ne sais pas qu’il est insupportable pour un fils de mépriser sa mère. Il a besoin de la respecter et trouvera mille raisons pour y arriver.

 

- Hello, darling, dit ma belle-mère en me recevant dans sa chambre. Lucie, voulez-vous nous faire du thé s’il vous plaît.

 

        Lucie retire son dé à coudre et met de côté la chemise de nuit noire de son amie qu’elle est en train de raccommoder. Pendant qu’elle s’affaire dans la kitchenette, ma belle-mère me prie de m’asseoir à côté d’elle. Elle porte son éternelle robe noire. Je ne sais pas si c’est toujours la même ou si elle en possède plusieurs. Elle a mis un long sautoir de perles noires et des bracelets chinois en bois noir. Elle est coiffée comme toujours avec un chignon dans lequel elle a glissé un postiche de cheveux gris pour le rendre plus touffu.

 

- Darling, me dit-elle en me prenant la main, il faut que je vous donne quelques conseils. Vous savez que j’ai déjà soixante ans, et beaucoup d’expérience.

 

Je retire ma main mais je continue de l’écouter.

 

      - Vous savez, reprend-elle, que les temps sont durs et qu’il n’est pas facile pour un jeune comme mon fils de gagner sa vie et de nous faire vivre tous. Une femme a le devoir d’aider son mari. Si un de ses clients vous demande n’importe quoi, vous devez accepter sa proposition. C’est votre devoir.

 

  Je crois avoir mal entendu. Je lui demande ce qu’elle veut dire.

 

        - Vous avez très bien compris ce que je veux dire. Ne faites pas la naïve. Si un client de mon fils vous demande de partager son lit, vous devez accepter. Vous pourrez toujours vous débarrasser de lui quand votre mari n’en aura plus besoin. J’ai toujours expliqué à mes enfants qu’ils devaient s’aplatir devant les puissants jusqu’au jour où, à leur tour, ils deviendront puissants. A ce moment-là ils seront libres de donner un coup de pied dans le derrière à ceux dont ils étaient obligés de cirer les bottes.

 

        Lucie a repris le raccommodage de la chemise de nuit noire. Elle écoute sans intervenir mais de temps en temps elle me regarde avec une expression ironique. Je sens que je suis tombée entre les mains de deux sorcières malveillantes, comme dans les contes de fées. La situation est comique. Pourtant je n’ai pas envie de rire. Je suis bouleversée. Je n’ai jamais rencontré de tels personnages. Je ne savais même pas qu’ils pouvaient exister. Je décide de ne rien dire à Bogart et d’oublier la scène.

 

        Pour un avocat français, il n’est pas facile de gagner sa vie à Tientsin pendant la guerre, après le départ des Américains, des Anglais et des Belges au camp de Weihsien. Au lieu de me parler de ses difficultés, Bogart ne dit rien. Je découvre un jour qu’il a vendu nos douze assiettes en argent massif, un cadeau de mariage de ma grand-mère, et je m’aperçois qu’il boit trop au cours des cocktails et pendant les dîners auxquels nous ne refusons jamais de nous rendre car c’est en prenant un verre et en discutant avec les gens invités qu’il trouve des clients. J’ai appris à être mondaine et à sourire, même si je n’en ai pas envie, mais je ne m’en plains pas. J’aime m’habiller et me maquiller, j’aime avoir les yeux des hommes sur moi, j’aime séduire. Bogart arrondit les fins de mois difficiles en jouant au bridge ou au poker dans les clubs, au mah-jong chez des Chinois ou en pariant sur les joueurs de pelote basque au Hai Alai. Il est joueur dans l’âme et réussit à gagner beaucoup d’argent.

 

        Un soir, à un dîner, nous entendons parler d’une maison vide à louer dans la Singapore Road, à deux pas de la Race Course Road où nous habitons avec Olive et Tage. La maison nous plaît et nous nous y installons. Elle est identique à celle que nous quittons car les villas de ce quartier résidentiel de la concession britannique ont été construites à la même époque et presque toujours sur le même modèle. Elles ont un salon-salle à manger, un bureau, une salle de bains et une cuisine au rez-de-chaussée, et le même nombre de pièces plus une salle de bains au premier. Les « servants quarters », les logements pour les domestiques, sont dans une cour derrière la maison.

 

        Notre boy s’appelle Guan-Shide, « Celui qui s’occupe de tout ». Son nom de famille, Yeh, n’est utilisé que par les membres de sa famille ou par ses amis chinois. Le cuisinier est Ta Shifu, « Grand Maître ». On dit « Grand Maître » quand on s’adresse aux artisans, aux plombiers, aux serruriers ou aux coiffeurs. Ta Shifu a une allure aristocratique. Il est très respectueux et très digne en même temps. Son visage n’exprime jamais ses véritables sentiments mais il sait tout sur nous alors que nous savons très peu de chose sur lui. Ta Shifu est l’ancien cuisinier de Marcel Mauroit. Il a appris à faire la cuisine et à parler français dans les casernes de l’armée française stationnée à Tientsin. Un jour, après le dîner, Ta Shifu vient me voir muni de son carnet de comptes où il a noté ses dépenses et nous parlons du menu qu’il propose pour le lendemain. Puis je lui demande de nettoyer la cuisine et de la débarrasser des cafards. Il ne répond pas mais, avant de se retirer et après avoir pris congé de moi, s’approche de Bogart enfoncé dans un fauteuil et lui dit :

 

  – Si Madame y en a moi emmerder, moi y en a foutre le camp.

 

        Je décide de fermer les yeux sur les cafards car Ta Shifu est très compétent et je sais que même si je change de cuisinier, il n’acceptera jamais que je fasse la loi dans sa cuisine. Ayant compris que j’ai cédé, Ta Shifu me témoigne sa reconnaissance en réduisant le prix de la viande et des légumes.

 

        Dans la maison construite pour les domestiques, il y a cinq pièces. Guan-Shide, sa femme et son bébé en occupent une, Wang Nai-Nai, l’amah, une autre.

 

        Quant à Ta Shifu qui a fait venir sa femme, ses deux filles, son frère et sa belle-sœur ainsi que leur fille de la campagne, il en occupe trois. La famille du cuisinier passe la plupart de son temps soit dans la cuisine, soit dans la petite cour qui fait partie du quartier réservé au service. Le soir, dès que le temps le permet, tout le monde s’installe sur des tabourets ou s’accroupit par terre pour bavarder. Guan-Shide tient son bébé sur les genoux, sa femme tricote. Le son de leurs voix parvient jusqu’à notre chambre à coucher au premier étage. Je m’endors en les écoutant. Ils parlent de nous, de la vie chère, des communistes et de Tchang Kaï-chek. Ils maudissent l’occupant japonais. Aidé par sa famille, Ta Shifu est capable de préparer un somptueux banquet dans la journée. Si Bogart me téléphone pour me dire que nous serons trente à table, j’appelle le Grand Maître.

 

- Ce soir trente invités, moyen, Ta Shifu? Impassible, il répond invariablement :

- Moyen, Madame.

 

        De retour dans la cuisine, il réunit sa famille et tout le monde se met à l’œuvre sous sa direction. Je sais que le dîner servi par « Celui qui s’occupe de tout » sera réussi. Si j’ai envie d’une robe neuve pour l’occasion, Ta Shifu envoie une de ses filles prévenir Wang le tailleur qui vient immédiatement. La robe sera livrée dans la soirée et son prix (tissu et confection) réglé par le cuisinier. Le lendemain, quand il viendra me voir avec son carnet, avec les carottes et la viande il aura marqué « robe Madame ». Son prix ne sera pas plus élevé que celui du cochon de lait qu’il nous aura préparé.

 

        Pendant que les gens meurent sous les bombes ou de famine en Europe, dans les camps de concentration hitlériens et staliniens, pendant que les Japonais torturent et tuent la population chinoise sans défense vivant hors des concessions, nous continuons à nous rendre aux réceptions, à danser dans les boîtes de nuit et à organiser des dîners ou des cocktails. « La moitié du monde pleure tandis que l’autre moitié danse », dit un proverbe russe. C’est l’une des lois qui régissent le monde depuis sa création.

 

        Je continue à m’occuper de ma fille, de ma maison. Je travaille avec Bogart l’après-midi. Quelquefois il me dicte son courrier à la maison après le dîner. Je continue à sourire pendant les réceptions mais je ne suis pas heureuse. Je sais que mon mari supporte mal les crises d’hystérie de sa mère, qu’il a des problèmes d’argent, qu’il boit trop à cause de tout cela, mais il ne me dit jamais rien. Il n’y a ni complicité ni tendresse entre nous. Je m’aperçois que m’humilier en public avec une réflexion désagréable lui fait plaisir. Je finis par refuser de l’accompagner à un dîner et il s’y rend tout seul. Vers cinq heures du matin j’entends du bruit dans l’escalier, puis des pas lourds qui s’approchent de notre chambre à coucher. J’allume et je le vois debout dans l’embrasure de la porte. Il est hirsute, sa cravate est défaite. Il est ivre mort. Il se précipite dans la salle de bains puis il vomit partout dans la chambre. Soudain il s’approche de moi, me saisit, me jette par terre et me prend de force. Je hurle, je me défends mais il est plus fort que moi et je dois subir l’horreur jusqu’à ce qu’il s’endorme.

 

        Quelques feuilles mortes jaune et ocre voltigent dans le ciel puis échouent à mes pieds dans le cyclo-pousse qui me conduit chez mon père. C’est l’automne, les platanes dans la Machandao, la Race Course Road, sont déjà presque tout dénudés. Ma fille est sur mes genoux. L’amah est allée la chercher à six heures du matin, elle lui a mis un pantalon et un pull rose et attaché les couettes avec un ruban de la même couleur. Jackie est bien réveillée et réclame les « tang hulu », les petites pommes caramélisées qu’un vendeur ambulant nous propose.

 

        Je me retourne pour voir si le cyclo-pousse dans lequel se trouve l’amah, Wang Nai-Nai, nous suit bien. Le coolie qui la transporte pédale un peu moins vite que le mien, un camion est entre nous, mais je reconnais son chignon piqué d’un peigne vert en forme d’éventail et la valise qu’elle serre sur les genoux. Wang Nai-Nai est chez nous depuis la naissance de ma fille. Quand j’ai ramené celle-ci de la clinique Saint-Vincent-de-Paul, elle attendait à côté du berceau dans la chambre qu’Olive et moi avions préparée pour le bébé. Elle l’a prise dans les bras en murmurant des paroles tendres. C’est Wang Nai-Nai qui a appris le chinois à ma fille.

 

        Tientsin est déjà bien réveillé. Les automobilistes klaxonnent après les cyclo-pousse, les coolies dans leurs charrettes tirées par des chevaux et les vendeurs ambulants qui encombrent la route. Je suis lasse. Je suis encore sous le choc de l’humiliation de l’autre nuit. Je me sens souillée. Je ne veux plus jamais revoir l’homme qui m’a traitée comme un objet dont on se sert pour satisfaire un besoin naturel. Une phrase écrite par ma mère dans son journal intime me revient à la mémoire. « Il y a un instant en amour où on touche à l’absolu. »

 

        La London Road est plus calme. La chaussée a été élargie récemment, on y circule mieux. Mon cyclo-pousse se faufile entre les voitures et les camions. Le coolie de Wang Nai-Nai nous a rattrapées. En me retournant, je m’aperçois qu’elle dort. Puis petit à petit les bruits de la circulation et les cris des vendeurs s’estompent, la scène de la rue devient floue, d’autres images défilent devant mes yeux, des images que j’avais enfouies au fond de ma mémoire. Un canapé et des fauteuils recouverts de chintz à fleurs bleues et jaunes, un lampadaire qui diffuse un éclairage doux, une table basse et un bouquet de roses. Je porte une robe chemisier en soie bleu ciel et j’écoute d’une oreille distraite Bing Crosby chanter Somewhere over the Rainbow Lovers Fly. Sur le gramophone à côté de la table basse, quelqu’un a posé un livre dont le titre attire mon attention : Comment coucher avec une vierge. Au moment où je tends un bras pour le prendre, j’entends des ricanements et des voix qui proviennent de la pièce voisine : « T’en fais pas, mon vieux, une fois que t’auras lu le bouquin, tu te débrouilleras. Ce n’est pas très difficile. »

 

        Deux hommes viennent me rejoindre au salon. Le premier est jeune, il porte un costume de flanelle gris foncé, une chemise blanche et un noeud papillon grenat. Dans sa main droite, il y a un long fume-cigarette. Le deuxième est en bleu marine, il a les cheveux gris mais il n’est pas très vieux. Il doit avoir environ cinquante ans. Dès que les deux hommes se sont installés dans les fauteuils en face de moi, le plus âgé appuie sur une sonnette dissimulée sous la table basse et aussitôt un domestique en tunique blanche ouvre la porte du salon.

 

        - Des apéritifs, Ta Shifu, dit l’homme aux cheveux gris.

 

        C’était pendant nos fiançailles. Bogart m’avait invitée à déjeuner dans l’appartement qu’il partageait avec son ami Marcel Mauroit. Je me rends compte que ce livre, Comment coucher avec une vierge, aperçu sur le gramophone, et les ricanements sur ce sujet m’avaient traumatisée. Je ne pus pas m’empêcher d’y penser tout au long de ma première nuit avec lui. Je me demandai s’il suivait bien les instructions du manuel. Il essayait de ne pas me blesser. Il mit trois nuits avant de faire de moi sa femme mais cette réussite technique m’avait laissée indifférente. J’attendais autre chose de l’amour.

 

        Comme si je visionnais un film, je revois une autre scène. Je suis enceinte de mon deuxième bébé. Je porte une robe rayée ample bleu et blanc. Nous prenons notre petit déjeuner dans la Race Course Road. Bogart est à côté de moi, ma belle-mère et son amie en noir sont en face. Sur la table il y a des bols remplis de bouillie de millet. C’est la guerre et la farine blanche avec laquelle nous faisons nous-mêmes le pain est rationnée. Mon boy entre, portant la cafetière dans une main et une tranche de jambon sur une assiette dans l’autre. Il nous dit qu’il a réussi à la trouver sur le marché. Aussitôt ma belle-mère saisit l’assiette et la met devant son fils en disant qu’elle est pour lui. Mon mari ne propose pas de partager cette tranche de jambon avec sa femme enceinte. Il la mange tranquillement sans rien dire, sans me regarder.

 

        D’autres images surgissent encore. Je porte un peignoir de bain blanc, lui une robe de chambre de soie bleu marine. Il est en colère. Il se baisse pour ouvrir le dernier tiroir d’une commode, en sort des chaussettes d’homme, les jette par terre et déclare, furieux :

 

        - Tu ne les as pas reprisées !

        - C’était à peine une semaine après notre mariage, dans la chambre meublée chez Mme Poletti. Puis je me revois en train d’enfiler mes bas dans la chambre. Il regarde par la fenêtre en fumant. Je lui dis :

        - Je vais avoir un bébé.

        - Il répond : « Have it! », sans me prendre dans ses bras ni me dire qu’il est heureux.

 

        Nous sommes presque arrivés. Voilà l’hôtel Victoria et le parc en face. Le coolie de Wang Nai-Nai pédale à côté de nous. Elle dort toujours, sa valise sur les genoux. Ma fille suce son pouce, blottie contre mon épaule. J’ai le temps de revoir une autre scène. Nous sommes au Hai Alai que l’on appelle aussi le Forum. On entend le bruit des balles de pelote basque et les hurlements des spectateurs. La table que nous occupons au premier étage a une belle vue sur les joueurs en bas. Je suis dans un état de grossesse avancée. Je lui dis :

 

        - Je voudrais rentrer, je suis très fatiguée. Il répond sèchement :

        -  Ce n’est pas vrai! tu n’es pas fatiguée. Tu n’es pas la seule femme enceinte au monde.

 

        Il est sept heures trente du matin. François est en train de servir le petit déjeuner. Je dis à mon père que j’ai décidé de quitter mon mari parce que je ne suis pas heureuse avec lui. Il demande à François d’apporter des tasses et des couverts supplémentaires et nous nous mettons autour de la table. Ma fille est sur les genoux de Wang Nai-Nai. Puis je demande à l’amah d’emmener le bébé au parc en face pour pouvoir parler à mon père et à Clara. Bogart arrive pendant que nous parlons, jette son imperméable sur une chaise et demande à être seul avec moi. Je ne reconnais plus l’homme avec qui j’ai vécu dix-huit mois. Il est livide, ses mains tremblent, il se jette à mes pieds et me demande pardon. Fini le ton méprisant, envolés les mots qui blessent! Il me jure que si je reviens nous serons heureux. Il m’annonce que sa mère et l’amie de celle-ci ont trouvé un logement à Pékin et qu’elles vont bientôt partir. Je m’attendais à tout sauf à ça. Je ne savais pas qu’il pouvait, s’il le voulait, se conduire normalement, sans jouer la comédie ni essayer d’être original. Il m’explique qu’il avait bu pour ne plus penser aux problèmes que lui posait sa mère. Je me rends compte qu’il ne veut pas me perdre et que moi, je voudrais pouvoir être heureuse avec lui. Je cède et nous rentrons.

 

        Sa mère et son inséparable confidente s’en vont vivre à Pékin. La visite hebdomadaire qui empoisonnait tous nos week-ends est remplacée par une lettre que nous devons lui écrire tous les dimanches et que je dois commencer obligatoirement par « Darling ». Je me débarrasse de cette corvée une fois par mois en écrivant quatre lettres identiques, datées différemment, et en disant toujours la même chose (J’espère que vous allez bien. Nous allons tous bien, etc.) Elle a l’air de ne s’apercevoir de rien. Je finis par croire qu’elle ne lit pas les lettres. Elle doit les exiger parce que c’est un témoignage du « respect » qu’on lui doit. Tout est faux dans cette femme bizarre, ses lettres, ses paroles, ses relations avec son fils, avec moi, avec son entourage. Une chose m’intrigue : est-ce qu’elle se joue la comédie quand elle est seule avec elle-même, quand elle réfléchit, ou bien est-elle parfaitement lucide?

 

        Depuis mon retour, il fait des efforts pour être moins agressif vis-à-vis de moi, mais il continue à me faire l’amour sans tendresse, ne fait aucun effort pour me séduire ou susciter ma passion. Je suis un objet dont il se sert pour se faire plaisir car l’important c’est LUI, ce n’est jamais NOUS. Je me réfugie dans un rêve que je faisais avant mon mariage. De nouveau je rêve à l’Amour, à cet Amour merveilleux dont parlait ma mère. Je me dis qu’IL doit exister quelque part, mais je ne l’ai pas encore rencontré. La nuit, quand il « couche » avec moi, je ferme les yeux et j’essaie d’imaginer ce que cela pourrait être avec un autre. Je commence à regarder autour de moi.

 

        Les restaurants chinois de Tientsin sont célèbres pour leurs baozhi, des petits pâtés au chou et à la viande, à ne pas confondre avec les diaozhi, les raviolis que les gens mangent le dimanche ou à l’occasion des fêtes. Dans tous ces excellents restaurants il y a un détail auquel il faut s’habituer : les nappes blanches sont toujours sales. Les gens disent en plaisantant que plus la nappe est sale, meilleur sera le repas. Ces nappes blanches ne sont changées qu’à la fin de la journée et, comme les Chinois ont l’habitude d’attraper les morceaux de viande ou de poisson en sauce avec leurs baguettes pour les déposer ensuite dans les assiettes de leurs invités, les taches sont inévitables. Le restaurant Guo Buli, l’un des meilleurs de Tientsin, ne fait pas exception à la règle. Au Guo Buli, on peut réserver une salle à manger privée ou une salle de banquet. Toutes les salles sont séparées les unes des autres par des paravents laqués, décorés avec des dragons. Presque toujours ce sont des Chinois riches, les membres des grandes familles, des compradores ou des propriétaires fonciers qui occupent les salles de banquet. Ils arrivent sans leurs épouses, accompagnés de leurs invités qui eux aussi ont laissé leurs femmes à la maison. Au Guo Buli, des « sing-song girls » sont disponibles sur demande pour distraire les clients. Si on souhaite passer la nuit avec l’une d’elles, le supplément n’est pas très élevé et des chambres au premier étage ont été prévues pour cette éventualité. Une vierge achetée à ses parents quand elle était toute petite et élevée avec d’autres petites filles par une mère maquerelle coûte beaucoup plus cher, mais les Chinois riches se l’offrent de la même manière qu’ils s’offrent un canard élevé pour être dégusté laqué.

  Nous sommes au Guo Buli pour fêter les quarante ans de Sophie, la petite amie de Marcel Mauroit. Depuis qu’il l’a rencontrée au cours d’une soirée où elle chantait des vieilles chansons nostalgiques de son pays natal en grattant sur sa guitare, Marcel Mauroit a perdu le sommeil. Il a succombé au charme slave de cette femme qui se fait inviter partout à cause de sa voix et de sa guitare. Notre table, entourée d’un paravent laqué noir, est à côté d’une grande salle de banquet réservée par un Chinois riche.

        – C’est un comprador, nous confie le boy qui nous sert.

 

        Les éclats de rire de ses invités et des bribes de conversation parviennent jusqu’à nous. Le fond sonore d’un restaurant chinois fait partie de son charme. Pendant que nous levons nos verres de mao-tai (alcool de riz chinois) en disant « gan-bei » (buvons jusqu’au bout), j’entends une voix qui m’est familière. C’est une voix féminine que j’ai entendue souvent. Je cherche mais je n’arrive pas à la reconnaître. Au bout de dix minutes je n’y tiens plus. Je veux savoir à qui appartiennent ce rire et cette voix grave qui évoquent des souvenirs flous. Après le départ du boy qui nous a apporté des concombres de mer et du poisson aigre-doux, je monte sur une chaise et je regarde par-dessus le paravent.

 

        La fille qui rit porte une robe brodée, écarlate et or, fendue jusqu’aux hanches. Ses cheveux noirs sont coiffés en hauteur et piqués de plusieurs peignes couleur or. Elle est fardée comme une actrice de l’opéra de Pékin. C’est Maria, mon amie du couvent Saint-Joseph, Maria, la fille d’un ingénieur italien et d’une bonne chinoise. Elle sert le thé, dit des choses que je ne comprends pas. Tous les Chinois rient à haute voix. Maria est devenue une « sing-song girl ». Je sais que si je lui fais signe, si je montre que je la connais, elle sera renvoyée immédiatement. Je décide de lui écrire un mot en donnant mon numéro de téléphone et je demande au boy qui nous a servis de le lui remettre discrètement à la fin de la soirée.

 

        C’est dans la chapelle du couvent Saint-Joseph que j’ai vu Maria pour la première fois. Elle était à genoux sur un prie-Dieu dans une pièce sombre qui sentait le renfermé. Elle avait les mains jointes comme les autres filles et murmurait des paroles que je ne comprenais pas en regardant un homme cloué sur une croix de bois. L’homme était à moitié nu. Il avait une barbe et des larmes coulaient le long de son visage. Pourquoi l’avait-on puni ainsi? Avait-il commis un crime? Je ne savais pas à qui poser ces questions. J’avais neuf ans, je venais de Moscou où on ne m’avait jamais parlé de Dieu. Je n’avais jamais visité une église. Je ne parlais que le russe. L’atmosphère lugubre dans laquelle je me trouvais, l’incantation monotone qui n’en finissait pas m’ont fait perdre connaissance.

 

        Quand j’ai ouvert les yeux, j’étais dans un lit en fer entouré d’un rideau blanc. Une fille de mon âge était assise sur un tabouret en face de moi. Elle avait les yeux bleu clair et les cheveux blonds et elle portait une robe bleu marine, pareille à celle qu’une religieuse m’avait fait mettre la veille, le jour de mon arrivée.

 

        - Ça va mieux? me demanda-t-elle.

        - J’ai dit oui, mais j’avais l’impression que toutes mes forces m’avaient abandonnée.

        - Je m’appelle Cécilia, poursuivit la fille. Sœur Émilie m’a demandé de veiller sur toi parce que je parle russe. J’ai rangé tes affaires dans la table de nuit. Il y avait des photos et un bâton habillé de chiffons.

 

        Je me suis sentie soulagée parce que les photos de maman étaient sauvées mais j’avais un peu honte parce que ma tante m’avait dit que j’étais trop grande pour jouer à la poupée et aussi parce que ce n’était pas une vraie poupée mais un bâton.

 

        -  Puisque tu vas mieux, poursuivit Cécilia, je vais te conduire dans ta classe.

 

        Cécilia m’a expliqué que nous allions descendre à l’étage en dessous et traverser plusieurs couloirs. Elle m’a dit qu’il fallait marcher les mains derrière le dos et ne pas parler. En dehors des récréations, les élèves n’avaient pas le droit de s’adresser la parole.

 

        - Voici le « study-hall », me souffla-t-elle, en me désignant une grande salle au fond d’un couloir. C’est ici que nous faisons nos devoirs. Je vais te montrer ton casier. Ton numéro, c’est le 18, n’est-ce pas? Je l’ai vu cousu sur ton linge. Tiens, voici le casier 18. C’est ici que tu dois ranger ton béret. Il ne faut jamais l’égarer car si tu n’as pas ton béret, tu ne pourras pas entrer dans la chapelle et tu seras punie.

 

        Nous avons descendu un autre étage puis Cécilia a frappé à une porte marquée « second grade ». A l’intérieur il y avait des petites filles de cinq ou six ans. Une dame en gris, avec un voile blanc sur la tête, s’est approchée de moi. Elle m’a fait signe de m’asseoir à côté d’une fille blonde puis elle s’est adressée à Cécilia qui a traduit en russe.

 

        - Sœur Émilie me demande de t’expliquer que tu es avec des élèves plus jeunes que toi parce que tu ne parles pas l’anglais. Tu pourras changer de classe plus tard.

 

        Quand la cloche a sonné pour la récréation, Cécilia est venue me chercher et nous nous sommes promenées sous les acacias, le long des murs en briques rouges du couvent, à l’écart des autres filles qui jouaient au basket. Elle m’a demandé d’où je venais et où étaient mes parents. Elle m’a dit qu’elle aussi avait perdu sa mère et que son père était mort deux ans auparavant. Après sa disparition, comme il n’y avait plus personne pour payer les frais d’hébergement et de scolarité, les sœurs lui avaient proposé un marché. Si elle acceptait de se convertir à la religion catholique et d’effectuer des travaux ménagers pendant son temps libre, elle pourrait rester au couvent et même aller en classe comme les autres. Si elle refusait, elle devrait s’en aller.

 

        - J’ai accepté, dit Cécilia. On m’a baptisée et on m’a donné un nouveau prénom. Avant je m’appelais Tamara. Ma maman était orthodoxe, mon père juif. Maintenant je repasse le linge des sœurs le dimanche. J’amidonne leurs coiffes, je lave par terre et je fais la poussière dans la chapelle. On me donne les habits et les chaussures usagés des filles de mon âge. Personne ne m’apporte de beurre, alors pendant le petit déjeuner, si aucune fille ne m’en offre, je rampe pour recueillir les miettes de pain beurré qui tombent sous la table.

 

        D’après elle, la plupart des pensionnaires du couvent Saint-Joseph avaient des problèmes familiaux. Elle m’a montré une grande fille à la peau blanche et aux yeux bridés.

 

        - Tu vois la métisse qui vient d’envoyer le ballon par-dessus le filet? C’est Maria W. Son père, un ingénieur italien, a eu une aventure avec une bonne chinoise. Lorsqu’il est mort, sa femme a refusé de continuer les versements que son mari envoyait régulièrement aux bonnes sœurs pour l’éducation de sa fille. Depuis, Maria est comme moi. Elle travaille pendant son temps libre.

 

        J’avais déjà remarqué Maria. Je l’ai revue une nuit dans la salle d’eau où un certain nombre de filles se rendaient en cachette pour se laver à fond. Maria m’a montré la technique qu’elle utilisait. Elle se savonnait puis se rinçait à l’aide d’un verre à dents. Je faisais comme elle mais pas très souvent car l’eau était glacée. Le samedi, une fois par semaine, nous étions autorisées à prendre un bain à condition de ne pas ôter notre chemise de nuit. Il était strictement interdit de se baigner toute nue car regarder son corps était un péché. Lorsque la cloche sonnait à sept heures du matin, tout le monde se précipitait pour faire la queue devant des salles minuscules fermées à clef les autres jours de la semaine. C’est là que se trouvaient les baignoires. Chaque fille avait dix minutes pour prendre un bain. Elle devait en principe nettoyer la baignoire après usage mais elle ne le faisait jamais car elle n’en avait pas le temps. J’utilisais la technique inventée par Maria. Une fois la porte fermée, je retirais ma chemise de nuit, me savonnais et me rinçais à l’aide d’un verre.

 

        - Cela s’est bien passé? demandait une religieuse chargée de nous surveiller. Vous avez gardé votre chemise de nuit? Vous n’avez rien vu?

 

        - Non, ma sœur, répondaient les filles, les yeux baissés.

 

  Quatorze ans ont passé depuis. Maria m’appelle et nous décidons de nous rencontrer chez Kiessling à l’heure du thé. J’arrive la première pour pouvoir choisir une table tranquille, pas trop près de l’orchestre qui joue La Veuve joyeuse. J’en trouve une un peu à l’écart de la foule. Il y a peu d’hommes chez Kiessling. Le café est surtout fréquenté par des dames qui se donnent rendez-vous autour d’une tasse de chocolat viennois pour se raconter leurs amours. Elles portent des chapeaux et des gants et pendant qu’elles parlent, elles dégustent un nombre incroyable de gâteaux à la crème. La jeune fille qui se fait précéder par un boy jusqu’à ma table ne leur ressemble pas. Elle ne ressemble pas non plus à la sing-song girl que j’ai aperçue au restaurant chinois. Elle a retiré sa robe écarlate et son maquillage flamboyant. Elle porte un tailleur beige bien coupé, ses cheveux noirs tombent en cascade sur ses épaules. Maria a la peau et le visage d’une Européenne, ses cheveux ondulent comme les miens. Seuls ses yeux bridés la trahissent. On voit que c’est une métisse. Nous commandons du thé, puis elle me raconte son histoire.

 

        -  J’ai raté mes examens de fin d’études. Je n’ai pas réussi à obtenir le Senior Cambridge Certificate for Overseas Centers parce que après la mort de mon père je n’avais pas assez de temps à consacrer aux études. La mère supérieure m’a dit que je devais travailler comme bonne au couvent. Je n’ai rien contre les sœurs. Elles ont été gentilles. Elles auraient pu me jeter dehors. Mère de la Croix, tu te souviens d’elle? c’était la mère supérieure, elle m’a proposé d’épouser Jésus et de rester au couvent, mais moi je voulais épouser un homme et avoir un enfant, comme toi.

 

        - Je l’invite à venir me voir à la maison et, quelques jours plus tard, elle apporte des photos prises au couvent. Je me revois en uniforme bleu marine, les chaussettes montant jusqu’aux genoux, posant entre elle et Larissa, jouant au basket à côté d’Annie Chang et de Cécilia puis devant la statue de saint Joseph dans la cour.

 

        - C’était nous, dit Maria tristement. Je sais que tu n’aimais pas le couvent, mais pour moi c’était une époque heureuse. Mon père était vivant, il m’aimait. Une fois il m’a même emmenée en vacances à Peitaiho. Je croyais qu’un jour je rencontrerais le Prince Charmant et que je l’épouserais.

 

  - Mais tout n’est pas perdu, Maria. Ton Prince Charmant peut encore venir.

  - Non. Je ne l’attends plus parce que aujourd’hui je sais que les Européens ne nous acceptent pas. Les Chinois nous méprisent parce que nous ne sommes pas entièrement chinois. Qui suis-je? Je ne parle ni l’italien, la langue de mon père, ni le chinois, la langue de ma mère! Au couvent il n’y avait pas de cours de chinois. On ne nous enseignait pas la langue des pousse-pousse, des boys et des mendiants. Pourquoi nous a-t-on fait apprendre l’histoire de l’Empire britannique par cœur? A quoi cela nous a-t-il servi?

 

        Maria me montre la photo où nous sommes alignées devant la statue de saint Joseph dans la cour du couvent, habillées en premières communiantes, un bouquet de roses à la main.

 

  - Tu te souviens de cette journée? me demande-t-elle. Pour une fois nous n’avions pas les mains derrière le dos !

 

        C’était au mois de juin 1932, le jour de la fête de Corpus Christi. La mère Rodolphe nous avait dit le matin qu’à l’occasion de la fête du Christ les élèves du collège Saint-Louis viendraient chez nous pour se joindre à la procession. Ce collège, tenu par les frères maristes, était destiné aux garçons.

 

  - Vous ne devez en aucun cas les regarder, nous précisa mère Rodolphe. Si vous me désobéissez, si vous ne détournez pas votre regard, vous aurez commis un péché.

 

        Personne d’entre nous n’a osé lui demander pourquoi regarder un garçon était un péché. Puis elle nous a ordonné de nous mettre en rang et d’attendre le signal de départ. La procession partirait de la chapelle, traverserait la cour et se dirigerait vers la statue de saint Joseph, à l’entrée du couvent. Nous devions déposer nos bouquets de fleurs devant la statue avant de retourner à la chapelle. Alignés en face de nous, en costumes sombres, un brassard de soie blanche au bras gauche, les garçons écoutaient les indications d’un frère mariste.

 

        Pendant la traversée de la cour, garçons et filles qui marchaient côte à côte se jetaient des coups d’œil furtifs puis regardaient ailleurs. Le mariste n’avait pas l’air de surveiller ses élèves.

 

        Parmi les garçons qui s’étaient rendus au couvent Saint-Joseph, il y avait un certain Jean Pasqualini. A lui et à ses camarades les maristes avaient aussi expliqué que regarder une fille était un péché qui pouvait conduire en enfer. A cette époque-là il ne pouvait pas imaginer que plus tard son histoire racontée dans son livre, Prisonnier de Mao, le rendrait célèbre.

 

        Ma vie ne ressemblera pas à celle de Jean ni à celle de Maria. Chaque être humain est unique, chaque destin est différent. Pourquoi le loup mange-t-il l’agneau et pas le contraire? Le loup n’y est pour rien, l’agneau non plus. Ils obéissent à des lois dont ils ne sont pas les auteurs, comme nous.

 

        « Meyou fazi », disent les Chinois. « On n’y peut rien, c’est la volonté du Ciel. » Les domestiques prononcent souvent cette phrase quand ils se plaignent des inondations, de la famine à la campagne ou de l’effroyable cruauté des Japonais. En les écoutant parler entre eux, j’apprends beaucoup de choses sur ce qui se passe vraiment dans le pays. Ils connaissent Mao dont beaucoup d’Européens n’ont jamais entendu parler. Tchao le Bavard est le mieux renseigné de tous. Je me demande d’où il tient les informations dont il fait part à Ta Shifu et à Guan-Shide quand il vient chez nous. D’après le feet-man, la guerre entre Chinois et Japonais sert la cause de Mao depuis que communistes et nationalistes ont décidé de lutter ensemble contre l’agresseur.

 

   - Tu comprends, explique-t-il au cuisinier qui vient de lui servir un bol de thé, pendant que les communistes luttent contre les Japonais, ils en profitent pour s’implanter dans les villages où ils racontent aux paysans qu’ils veulent renverser Tchang parce qu’il les exploite.

 

  - Je ne comprends pas à quoi cela les avance, remarque Guan-Shide.

  - Comment, tu ne comprends pas? dit le feet-man. Après le départ des diables japonais, quand Mao et Tchang seront face à face, tous les paysans seront du côté de Mao! C’est facile à comprendre, non?

  - Moi, je suis pour Mao, dit Wang Nai-Nai venue chercher le lait de ma fille. Ma nièce est partie le rejoindre. Elle m’a dit que les communistes voulaient le bonheur du peuple. Elle m’a même chanté une chanson qui dit que « celui qui n’était rien deviendra tout ».

 

        Les domestiques parlent du communisme mais n’y comprennent pas grand-chose. Ils sont pour Mao parce qu’ils espèrent qu’il réussira à chasser les propriétaires fonciers, rapaces et cruels, qui sévissent à la campagne, qu’il débarrassera la Chine de tous les étrangers qui se comportent comme s’ils étaient les vrais maîtres du pays.

 

        Pendant ce temps-là, Tchang Kaï-chek, lui, ne poursuit qu’un seul objectif : l’anéantissement de Mao et de ses partisans parce qu’ils le menacent directement.

click here [click here] for next chapter ---  

#